Dans l’univers de la comptabilité, quand on parle d’algorithmes, on évoque surtout l’automatisation des tâches qui peut s’opérer sous trois approches différentes. Quel que soit le procédé par lequel passe un expert-comptable, les contraintes sont toutes les mêmes pour un algorithme : pouvoir identifier et isoler les complexités logiciels, métier et utilisateurs. Ces « hacks » s’enracinent et se diffusent formant de véritables usages au sein de la profession ce qui complexifie sensiblement l’appropriation de la couche “utilisateur” pour un robot. En ce sens, peut-on réellement faire confiance à un algorithme pour assimiler les habitudes de son cabinet et celles de ses collaborateurs ?
La naissance des usages dans le cabinet
Dans un monde pur et parfait, l’usage se trouve en dernier dans la hiérarchie des sources de fiabilité d’un processus. C’est d’ailleurs le cas au niveau juridique où de toutes les sources du droit, l’usage se trouve en bas de la pyramide. Lorsque l’on creuse un peu, on se rend compte qu’une fois sur le terrain, les coutumes ont tendance à prendre le pas sur les sources fiables. Quel junior n’a jamais été confronté à cette situation : “comment je traite ça ?”et le chef de mission qui répond : “regarde N-1”. Or, quelle garantie avons-nous que N-1 soit fiable et ne comporte aucune erreur ?
C’est ainsi que les mauvaises pratiques se mettent en place de manière insidieuse au sein des cabinets d’expertise comptable. Certes la consultation auprès du pôle technique (lorsqu’il existe en cabinet) ou d’un Memento Francis Lefebvre pourrait couper court au débat, mais qui pendant sa période fiscale a le temps de se plonger dans un Navis ? Le plus simple reste de copier N-1, d’autant plus que ce procédé paraît sécurisé pour les juniors puisque ce traitement est celui de leurs prédécesseurs et que peu d’entre eux seraient prêts à le remettre en cause.
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La friction entre automatisation comptable et habitudes métiers
En matière d’automatisation de la saisie comptable, l’usage est le pire ennemi de l’algorithme et on vous explique pourquoi. Prenons l’exemple du secteur de l’édition de logiciel informatique. Dans ce type de business, il est fréquent de proposer des solutions au format abonnement. Le PCG prévoit, selon le contexte, plusieurs traitements possibles pour l’enregistrement des abonnements SaaS en comptabilité. Il ressort principalement : #604 achat de prestation externe, #6063 matériel & petits équipements, #613 abonnements, #651 redevances. La grande tendance reste la saisie en #613. Pour autant, sur ce même sujet, nous pouvons identifier une forte récurrence de l’utilisation du compte #651 chez d’autres cabinets comptables. Et c’est le début des ennuis qui commencent. En effet, lorsque les algorithmes de classification rencontrent une facture d’abonnement Saas (exemple avec un abonnement Microsoft), deux situations peuvent se produire :
- L’algorithme prend en compte la comptabilisation majoritaire et classifie la charge en #613 ;
- L’algorithme s’adapte au cabinet comptable et classifie la charge en #651.
Ce problème est bien plus fréquent qu’il n’y paraît puisque le PCG laisse une grande liberté d’appréciation dans la comptabilisation de certaines charges. On peut notamment retrouver cette situation dans la restauration avec la distinction entre #601 et #607. De même que pour le BTP, des cabinets individualisent les achats d’équipements et distinguent les #6063 des #215, alors que d’autres immobilisent tout en #215.
Il peut sembler étonnant de rencontrer ce manque de cohérence quand on sait qu’en France, la normalisation comptable se fait par le haut : les principes sont édictés par des instances (ANC, OEC …) et les professionnels du chiffres doivent appliquer ces directives. Heureusement, des outils s’adaptent à ces complexités comptables. C’est notamment le cas de Chaintrust. Nous avons conçu notre plateforme pour qu’elle puisse s’adapter aux règles comptables de chaque cabinet. Ainsi, à partir du FEC, notre IA analyse et comprend le fonctionnement de votre cabinet pour classer les factures dans les bons codes comptables.
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La surcouche de complexité logiciel liés aux usages
Dès lors que la complexité métier (liées aux usages) est isolée, il convient de s’attaquer à la couche dite logiciel. Là aussi, les usages viennent compliquer le traitement automatique des données comptables. Mais pourquoi ? Car il ne s’agit pas simplement de formater les écritures au bon logiciel (.txt, .csv, .tra …), mais de comprendre comment le collaborateur comptable structure le suivi des comptes auxiliaires en fonction des contraintes du logiciel et selon le type de business. Pour cela, différents paramètres doivent être pris en compte :
Principal & auxiliarisation
Il convient de comprendre si le dossier est tenu en comptabilité principale (1 tiers = 1 compte #401 ou #411), auxiliaire (1 tiers = 1 subdivision d’un compte #401 ou #411) voire hybride (mélange des 2 pratiques).
Logique d’auxiliarisation
Si les tiers sont tout ou partie auxiliarisés, il faut décoder la logique de création des comptes auxiliaires selon ce que permet le logiciel. Certains éditeurs sont très permissifs (caractères alphanumériques illimités) alors que d’autres sont extrêmement restrictifs (caractères numériques seulement au nombre de 4 maximum). C’est ainsi qu’il faut dégager des logiques telles que “09LEROY” signifie que les fournisseurs sont auxiliarisés selon leur nom, alors que “011005” signifie que les clients sont auxiliarisés selon leur ordre de création.
Logique de centralisation
Toujours en fonction des capacités du logiciel de production comptable, la centralisation est très répandue pour les fournisseurs multi-enseignes ou pour des finalités spécifiques. La pratique la plus répandue étant de centraliser les fournisseurs d’Amazon sur Amazon, ou bien les fournisseurs d’Essence, de Restauration ou de Péage sous le même fournisseur.
Logique business
Ici, il faut corréler les pratiques au business du dossier. En effet, nous pouvons observer une redondance des comptabilités en principal des comptes clients dans les FEC de sociétés de BTP alors que les pharmacies auxiliariseront leurs fournisseurs. À l’instar des habitudes d’imputations sur les comptes de P&L, là aussi quelques cabinets comptables ou collaborateurs viennent créer des incohérences en base en utilisant d’autres schémas.
En définitive, la restitution automatiquement des écritures comptables implique de prendre en compte : à la fois les couches métiers qui consistent à dire que tel ou tel mode de fonctionnement respecte le PCG, les couches utilisateurs liés aux habitudes des collaborateurs et les couches logiciels qui visent à garantir le respect des standards imposés par l’outil comptable. Toute la complexité, c’est de faire comprendre à l’outil qu’il a à la fois tort et raison lorsqu’il restitue une écriture objectivement correcte, mais qui ne correspond pas aux standards spécifiques d’un comptable, en particulier parmi les 150 000 collaborateurs en France.